Une délégation turque composée de membres du Conseil Sectoriel et de professionnels principalement issus des secteurs textile, construction, énergie, télécommunications, tourisme et alimentation s’est rendue en Tunisie pour un voyage d’affaires du 12 au 15 février 2025. La délégation était dirigée par M. Ali Bayramoğlu, Président du 2ème Mandat de MÜSIAD, et M. Fatih Canpolat, Président du Conseil Sectoriel du Textile, du Cuir et du Prêt-à-Porter.
Lors d’un dîner organisé par Son Excellence Monsieur Ahmet Misbah Demircan, Ambassadeur de Turquie en Tunisie, en l’honneur de la délégation turque, en présence de président du Tunisia Africa Business Council (TABC), Anis Jaziri, African challenges a eu l’occasion d’interviewer l’un des quatre fondateur de l’association MÜSIAD, Président du 2ème Mandat et ancien député, M. Ali Bayramoğlu.
African Challenges : -Pouvez-vous nous présenter MÜSIAD et ses secteurs d’activité ?
Ali Bayramoğlu : MÜSIAD a été fondée en 1990 et compte actuellement 14 000 membres en Turquie, représentant tous les secteurs. Chaque secteur a une direction dédiée. En Turquie, il y a 80 bureaux MÜSIAD, et au total, 94 bureaux dans le monde. MÜSIAD constitue un réseau (NETWORK) s’étendant du Brésil au Japon et de l’Australie au Canada, ce qui est très vaste.
Cela comprend à la fois des bureaux et des représentations dispersées à l’échelle mondiale, avec une présence plus marquée en Europe. Il ne faut pas oublier que plus de 50 % du commerce turc se fait avec l’Europe, ce qui rend cette présence d’autant plus importante.
En Afrique, nous avons des bureaux en Afrique du Sud, en Égypte, en Algérie, au Maroc et au Niger. Avec cette visite en Tunisie, la Turquie souhaite renforcer sa présence. Des discussions sont déjà en cours.
African Challenges : -Quels sont les principaux objectifs de la visite en Tunisie ?
Ali Bayramoğlu : À l’invitation de son Excellence Monsieur Ahmet Misbah Demircan, Ambassadeur de Turquie en Tunisie, suite à sa visite au MÜSIAD, des discussions ont eu lieu concernant le secteur textile en Tunisie et d’autres domaines. C’est de là qu’est née l’idée de la visite, visant à renforcer la coopération entre la Tunisie et la Turquie dans la production et la création des magasins.
De plus, il s’agit de promouvoir les produits de construction et d’investir dans le domaine de l’énergie solaire. J’ai même participé, en tant qu’ancien député, à l’élaboration des lois pour ce secteur en Turquie.
African Challenges:-Quels sont vos principaux investissements en Afrique ?
Ali Bayramoğlu : Pour investir dans un pays, il est essentiel que ce pays soit accessible et que le financement soit solide et facile. De plus, pour favoriser l’employabilité, il est nécessaire de disposer d’une main-d’œuvre qualifiée. Le potentiel en Afrique ne se limite pas au marché africain ; nous cherchons plutôt à produire sur place pour vendre dans les pays où la demande pour l’habillement et le textile est plus élevée.
Actuellement, il est un peu prématuré de discuter d’investissement, car il faut d’abord analyser le marché de manière approfondie et identifier la main-d’œuvre la plus qualifiée, tout en s’assurant qu’elle bénéficie d’une formation continue et soit ouverte à l’apprentissage. Ce n’est qu’après avoir mené toutes ces études que nous pourrons dire oui. Il est également crucial d’évaluer si la bureaucratie est lourde ou non, et si l’esprit est ouvert, car ces éléments jouent un rôle majeur.
African Challenges :-Comment jugez-vous la coopération entre la Tunisie et la Turquie ? ( Les Échanges commerciaux)
Ali Bayramoğlu : Le volume des investissements turcs en Tunisie s’élève actuellement à environ 700 millions de dollars. La Turquie a pour ambition de doubler ses échanges commerciaux avec la Tunisie, qui s’établissent actuellement à 1,6 milliard de dollars, pour atteindre 3 milliards de dollars (chiffres juin 2024). Selon les chiffres, l’avantage revient à la Turquie, avec un volume d’exportations plus élevé.
Les échanges commerciaux de la Tunisie avec l’extérieur, en prix courants pour l’année 2024, estiment les exportations à 62 077,6 MD tandis que les importations atteignent 81 005,2 MD (chiffres décembre 2024). En Tunisie, il est essentiel de capitaliser sur le potentiel touristique en attirant les touristes turcs et en établissant un partenariat mutuellement bénéfique. Pour réduire cet écart, l’économie doit être plus flexible, le système bancaire doit être simplifié, et la législation concernant les comptes en devises doit permettre des transferts faciles.
African Challenges :- Quelles sont les répercussions de la crise économique mondiale sur le secteur textile en Turquie ?
Ali Bayramoğlu : Il a eu un impact sur la consommation, qui a diminué en Europe, ce qui affecte la Turquie en tant que pays producteur. On peut dire que les répercussions de la pandémie, ainsi que le changement de devise par rapport à la livre turque, ont créé un déséquilibre, entraînant des difficultés à ce niveau. Par exemple, les coûts de production de 10 dollars ont augmenté à 12 dollars. Et si votre partenaire n’accepte pas cette différence de prix, vous risquez de perdre votre marché.
Cependant, nous pensons que la situation va bientôt revenir à la normale. Il ne faut pas oublier que le secteur textile en Turquie est très important, avec des exportations atteignant 30 milliards de dollars, et nous anticipons une augmentation dans les années à venir. Nous faisons en sorte que nos hommes d’affaires ne soient pas trop affectés par ces difficultés.
African Challenges :- Malgré les nombreux défis auxquels le secteur textile en Tunisie est confronté ces dernières années, parieriez-vous sur l’investissement en Tunisie ?
Ali Bayramoğlu : Il ne faut pas oublier qu’il existe des difficultés dans notre pays et dans le monde, y compris dans des pays majeurs comme l’Italie, l’Espagne et la France. Cependant, face aux difficultés, il est essentiel de ne pas rester inactif, mais d’affronter les défis.
De plus, l’augmentation de la main-d’œuvre en Turquie doit être prise en compte, conduisant à un déplacement du secteur textile vers l’Égypte. La Tunisie pourrait également présenter un intérêt pour le secteur textile.
Si la bureaucratie et la douane ne sont pas trop contraignantes et que l’on trouve une main-d’œuvre compétente pour la production ici, il est probable que des investissements en Tunisie se concrétiseront prochainement. Les Tunisiens n’investissent pas en Turquie, mais les Turcs investissent en Tunisie, et ce développement continuera avec le temps.
Le principal message à adresser aux personnes en position de pouvoir est de conserver un esprit ouvert. Rendre les choses faciles et éviter les restrictions est crucial ; sinon, les gens ne viendront pas et ne seront pas motivés. Au contraire, avec cette ouverture d’économie, les investisseurs viendront avec enthousiasme, accompagnés d’un mécanisme de financement efficace, de toutes les facilités et d’une collaboration fluide.
Il est nécessaire de mettre en place un système adaptable en particulier à l’ère de l’intelligence artificielle (IA) afin que toutes les parties en bénéficient.
Interview conduit par BELAAZI Sana