Le Théâtre des Jeunes Créateurs de la Cité de la culture a été merveilleusement squatté vendredi 14 décembre 2018 par des artistes venus du Brésil , un pays géographiquement lointain mais combien même très proche de nous, de par les aspirations de ses artistes et la réalité de son peuple, pour présenter dans le cadre de la 20ème édition des Journées Théâtrales de Carthage : « Misanthrofreak», une pièce théâtrale de 50 minutes, mise en scène par Rodrigo Fischer d’après « L’innommable » de Samuel Beckett.
Portée par une seul comédien, Rodrigo Fischer cette pièce est une récente création de la compagnie Grupo Desvio, la pièce est axée sur deux thèmes essentiels : l’échec et la difficulté de prendre des décisions. Histoires croisées racontées d’une manière à la fois poétique et ludique par ce seul comédien qui usant des nouvelles technologiques et proposant des vidéos, il offre à voir un show exceptionnel, à la croisée des genres et des styles.
Chez Beckett, l’innommable est un homme immobile, incapable de bouger, incapable de parler, incapable de ne pas parler. Assis dans un endroit gris, environné de gris, il ne voit presque rien, n’entend rien, ne sent rien… Un homme réduit à sa plus simple expression, à savoir une conscience. Conscience d’être et d’avoir une conscience, qui dit « je », qui se cherche, qui cherche ce qu’est la vie.
Dans cette pièce, Rodrigo Fischer a reproduit l’univers absurde exprimé par Beckett dans l’Innommable en opérant une lecture personnelle qui a conféré à l’œuvre initiale un air de fraicheur prouvant si besoin est que l’Homme et ses préoccupations sont les mêmes quel que soit l’époque et l’espace.Sur scène, un carnet défait dont les pages sont jetées comme des déchets à même le sol, un fauteuil et deux tables basses sur l’une desquelles est posé un verre vide. Au bout de la scène, des images défilent sur un grand écran avec des mots incompréhensibles comme c’est le cas de l’existence du personnage. De la musique, du Karaoké des images, des annonces du début de chaque acte s’affiche çà et là dans cet espace confiné que les projecteurs effleurent pour en accentuer l’angoisse.
Avec cette mise en scène épurée mais très contemporaine, Rodrigo Fischer a brillamment réussi à créer le néant auquel aspire sans le savoir son personnage évoluant dans une ambiance caverneuse et une atmosphère très pesante qui le condamne au silence malgré son désir de s’exprimer.
« Misanthrofreak » sculpte les maux d’un personnagequi tente de surmonter les tensions de son passé, de fuir ses souvenirs et de partager avec le public son histoire. Une histoire ponctuée de frustrations de ne pas pouvoir parler ou s’exprimer, de ne pas pouvoir créer un récit où le silence est porteur de messages.