Le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) s’est déclaré étonné par le jugement sévère rendu par la deuxième chambre criminelle du tribunal de première instance de Tunis, tôt le mercredi 5 février 2025, condamnant la journaliste Chadha Haj Mbarek à cinq ans d’emprisonnement en raison de son travail au sein de la société de production médiatique (Instalingo).
Le syndicat rappelle que l’affaire débute en juillet 2021, lorsque les autorités ont perquisitionné le siège de la société de production et convoqué la journaliste pour une enquête qui n’a pas pris en compte ses besoins spécifiques liés à un problème d’audition. Elle avait été arrêtée puis relâchée.
En 2023, le juge d’instruction du tribunal de Sousse a abandonné les charges contre elle, affirmant qu’elle effectuait un travail journalistique sans lien avec les accusations portées à son encontre. Le juge avait alors décidé de classer l’affaire et d’annuler le mandat de dépôt.
Cependant, en juillet 2023, la chambre d’accusation a annulé cette décision, ordonnant son incarcération à la prison de Messadine et la poursuivant pour « complot contre la sécurité extérieure de l’État » ainsi que pour « offense au président de la République ». Elle a ensuite été présentée à la chambre criminelle de Sousse, puis à la deuxième chambre criminelle du tribunal de première instance de Tunis.
Lors de l’audience du mardi 4 février 2025, l’avocat de la défense, représentant la famille et le syndicat, a souligné le rôle journalistique de la prévenue au sein d’une société de production travaillant pour des institutions médiatiques produisant des documentaires et des reportages filmés. Il a insisté sur l’importance de consulter des experts en journalisme pour examiner l’affaire, comme cela se pratique dans d’autres pays pour des cas similaires.
L’avocat a également souligné la séparation entre la gestion administrative et la rédaction, expliquant que la journaliste n’avait aucun lien avec les transactions financières ou les affiliations idéologiques et politiques de l’entreprise. Il a rappelé que l’évaluation du travail journalistique doit se faire selon les normes déontologiques et la législation régissant la profession, d’autant plus que l’accusée est titulaire d’une carte de journaliste professionnel.
Le Syndicat national des journalistes tunisiens a exprimé sa solidarité totale et inconditionnelle avec Chadha Haj Mbarek et sa famille, tout en appelant à sa libération immédiate. Il a également annoncé son intention de faire appel du verdict rendu contre elle.
Le syndicat tire la sonnette d’alarme sur la gravité de cette condamnation, qui menace la liberté du travail journalistique au sein des sociétés de production fournissant des contenus aux institutions de presse nationales et internationales. Il met en exergue le risque lié à l’inadéquation de la juridiction dans les affaires de nature journalistique et à l’absence d’experts dans ce domaine.
Enfin, le syndicat met en garde contre les dangers résultant de l’absence de distinction entre les contenus journalistiques et la liberté de publication sur les plateformes numériques dans le cadre législatif. Il soutient que cette confusion a considérablement impacté les droits et la liberté de la journaliste, un préjudice qui exige une réparation rapide.
Les lourdes peines prononcées ce matin dans l’affaire Instalingo sont sans précédent, allant de cinq à 54 ans de prison. Plusieurs personnalités politiques et médiatiques sont impliquées.