Après 14 ans de gouvernance par le Parti Conservateur au Royaume-Uni, la victoire écrasante du Parti travailliste, de centre-gauche, marque un tournant majeur dans la scène politique du pays. Le Premier ministre Keir Starmer se trouve désormais sur le devant de la scène et devrait promouvoir un programme axé sur les entreprises et pragmatique, qui donnera la priorité à la croissance économique. Améliorer l’économie britannique représente un défi de taille, surtout au vu de la décroissance économique au cours des dernières décennies.
Ces dernières décennies, les taux de croissance annuelle moyenne du PIB réel au Royaume-Uni sont passés de 3 % entre 1995 et 2007 (avant la crise financière mondiale) à 2 % entre 2010 et 2019 (avant la pandémie Covid-19), et devraient encore baisser en moyenne à 1,2 % entre 2023 et 2028. Compte tenu de cette tendance, la croissance économique est devenue la « mission nationale » du nouveau gouvernement.
Croissance du PIB réel au Royaume-Uni
(% année / année précédente)
Source : Perspectives de l’économie mondiale du FMI, QNB Economics
De manière critique, la nouvelle administration dispose d’un espace budgétaire limité pour relancer l’économie. La dette publique en pourcentage du PIB avoisine les 100 %, soit le niveau le plus élevé depuis plus de 60 ans. De plus, la charge fiscale (mesurée par le ratio des recettes publiques rapportées au PIB) est proche de son niveau le plus élevé depuis plus de 70 ans. En outre, la nouvelle administration s’est engagée à ne pas augmenter les impôts sur les sociétés, sur le revenu, les cotisations sociales et la TVA, qui représentent ensemble 75 % des recettes. Par conséquent, les conditions budgétaires sont actuellement strictes par rapport aux données historiques du Royaume-Uni, avec une marge de manœuvre limitée pour une politique budgétaire agressive.
Fardeau fiscal au Royaume-Uni : Ratio des recettes publiques par rapport au PIB
(recettes publiques générales en % du PIB)
Source: Haver Analytics, QNB Economics
Dans cet article, nous examinons trois priorités pour le nouveau gouvernement dans sa mission d’atteindre une croissance économique à long terme plus solide.
Tout d’abord, plusieurs propositions sont en cours pour dynamiser l’infrastructure résidentiel du pays, soutenir les nouveaux investissements, réduire la bureaucratie et diminuer les coûts des projets. Le système de planification de la construction au Royaume-Uni est largement considéré comme coûteux et trop rigide. Les autorisations de planification imprévisibles et longues augmentent considérablement les coûts de développement, entravant la construction résidentielle et commerciale ainsi que les projets d’infrastructure. Ce système a été extrêmement coûteux pour l’économie : le pays n’a enregistré aucune augmentation de la superficie des terres construites par habitant depuis 1990, ce qui contraste fortement avec d’autres économies du G7. Il a également contribué à un taux d’investissement des entreprises inférieur par rapport à des pays ayant des régimes de planification moins stricts. La Chancelière de l’Échiquier, Rachel Reeves, s’est engagée à réviser le Cadre national de planification et à « relancer la construction au Royaume-Uni », en proposant un objectif de 1,5 million de logements au cours des 5 prochaines années. Cette réforme serait l’un des principaux piliers de la stratégie visant à améliorer la performance de croissance du Royaume-Uni.
Deuxièmement, un Fonds national de richesse récemment créé sera établi pour mobiliser des capitaux et accroître les investissements dans les secteurs prioritaires. Depuis 2000, les investissements publics et privés en proportion du PIB au Royaume-Uni sont restés systématiquement inférieurs à la moyenne des pays du G7. Il n’est donc pas surprenant que la nouvelle administration prenne des mesures pour augmenter les investissements. Bien que le mandat et la structure organisationnelle du nouveau fonds restent à définir, il est prévu qu’il collabore étroitement avec les institutions financières privées pour orienter les ressources vers des secteurs économiques clés tels que les ports, l’acier, la capture du carbone et l’hydrogène vert, ainsi que les usines. Le gouvernement a alloué 7,3 milliards de GBP (9,7 milliards de USD) à ce projet et s’attend à attirer des investissements du secteur privé, en attirant trois livres pour chaque livre investie par le gouvernement. En utilisant les ressources du secteur privé, le Fonds national de richesse pourrait contourner les limitations fiscales et augmenter les investissements à des niveaux compatibles avec des taux de croissance économique plus élevés.
Troisièmement, le gouvernement prévoit de stimuler le commerce comme une partie centrale de sa stratégie pour favoriser une croissance plus forte. Une nouvelle législation est prévue pour faciliter l’alignement des normes de produits avec celles de l’UE. Cet alignement réglementaire réduira l’incertitude et les coûts supplémentaires pour les entreprises liées à l’adaptation aux règles de l’UE. De plus, après une pause dans les négociations imposées par les élections, le Royaume-Uni a repris les discussions avec l’Inde, le GCC, la Corée du Sud, la Suisse, Israël et la Turquie pour conclure de nouveaux accords commerciaux.
Étant donné l’importance des chaînes de valeur mondiales, les obstacles au commerce affectent le commerce avec tous les partenaires. Des barrières commerciales plus élevées augmentent les coûts des approvisionnements étrangers, réduisant ainsi la compétitivité de la production basée au Royaume-Uni et la capacité des entreprises à tirer parti du commerce international. L’amélioration de l’alignement des normes de produits avec l’UE et les nouveaux accords commerciaux amélioreront la compétitivité externe et ouvriront de nouveaux marchés pour les entreprises, fournissant un élan supplémentaire à la croissance.
Les détails des plans du gouvernement doivent encore être précisés et mis en œuvre, il est donc encore trop tôt pour évaluer l’impact global sur l’économie. Cependant, à notre avis, la réforme du système de planification, la création d’un fonds national pour accroître les investissements et les relations commerciales améliorées avec l’UE et d’autres partenaires commerciaux représentent des mesures pertinentes pour favoriser une croissance économique à long terme au Royaume-Uni.