Lors d’une talk session politique tenue à Tunis, dans le cadre du déroulement de la campagne présidentielle anticipée, des analystes et des chroniqueurs ont admis que le mouvement Ennahdha est responsable du ‘’dumping’’ du paysage électoral, de la dispersion des voix des électeurs et de l’embrouillage de la scène politique.
Lors de cette conférence organisée sous le titre ‘’Des dizaines de candidats aux Présidentielles, Pourquoi et à qui le profit ?‘’, l’opposant et analyste politique Khalil Rekik a remarqué que la raison de tout ce chambardement est due à la nature de notre régime politique. Il a observé dans ce sens que les Tunisiens seront contraints d’élire un nouveau Président de la République, sans réellement saisir ses prérogatives.
Poussant son analyse, il est allé affirmer que le poste de Présidence de la république a été privé de l’exercice de ses pouvoirs au profit du Chef de l’Etat.
Sur un autre plan, le même interlocuteur d’admettre que la Tunisie vit un ‘’simulacre démocratique‘’ qui a provoqué une crise profonde et a nui à la stabilité du climat politique.
Malgré la création d’instances garantissant la démocratie et les libertés individuelles et d’expression, il est un fait que la menace plane et que les opposants du système ne sont plus à l’abri. La preuve en est qu’aujourd’hui, l’un des candidats à la présidentielle sévit en prison, au moment où l’appareil exécutif a de plus en plus une main mise sur les médias.
Rekik craint que les résultats du 15 septembre conduisent à la création d’un échiquier politique désaxé, d’où il a émis un appel à la révision radicale et la réforme pressante de la loi électorale ainsi que du régime politique adopté par la Constitution de 2014.
Pour sa part, le chroniqueur Sofien Ben Farhat a admis le droit à tout Tunisien de se présenter en tant que candidat à toute échéance électorale sauf qu’il est inadmissible, selon ses dires, qu’au bout de 9 ans de processus transitoire démocratique, de compter 26 candidats pour les présidentielles anticipées. C’est que les critères de l’ISIE, loin de toute crédibilité, sont trop laxistes et faussent tout le système électoral. Aussi, l’interlocuteur a estimé que sur les 26 ‘prétendants’, uniquement 3 à 4 candidats sont ‘politisés’ et aptes à gérer la chose politique.
L’orateur a également attiré l’attention du public sur le nouveau clivage des candidats. Il est divisé en une première catégorie dite ‘Pro système’. Elleinclut des dirigeants qui sont au pouvoir ou même à l’opposition. A l’image de Youssef Chahed ou de Hamma Hammmami, ces politiciens ont appris à composer avec les rouages du système politique instauré au lendemain du 14 janvier 2011.
A l’opposé, la deuxième catégorie appartient aux ‘anti-système’, à des candidats ‘parachutés’ ou servant des agendas étrangers et certains lobbies occultes. Ben Farhat a averti qu’il ne faut surtout pas sous-estimer les chances de ce dernier groupe capable de créer la surprise et de remporter le 1er et même le 2e tour des présidentielles.
Le même analyste a souligné que la scène politique tunisienne est divisée en quatre grandes familles, celle classique, du courant dit ‘Doustouri’, puis, celle de l’islam politique qui soutient quand même pas moins de 7 candidats dans les élections présidentielles anticipées actuelles, en vue de disperser les voix et de contrôler le scrutin. Une troisième famille appartient aux ‘libéraux sauvages’ et une dernière à la Gauche historique qui, complètement scindée, n’a plus de chances électorales.
Le Président du Parti Socialiste, Mohamed Kilani, a pris part aux travaux de la journée. Il a fortement critiqué l’immixtion entre ‘l’exercice et la décision politique’ et ‘le Capital ou l’argent sale’. Il a évoqué, dans ce registre, l’exemple du scénario de corruption italien, en soulignant que les ‘grands’ partis recevaient des fonds et des financements soupçonnés provenant de mafias. En contrepartie, une fois élus, ces partis jurent allégeance et ne servent que les intérêts des malfaiteurs et des hors-la-loi.
L’interlocuteur a émis le regret que le ‘régime mafieux’ soit parvenu à agenouiller le citoyen tunisien, à l’affamer et à le brutaliser, au sens propre et figuré.
Kilani s’est attardé sur les défaillances du système électoral tunisien en appelant à sa révision immédiate. Il s’est également exprimé sur la nécessité d’amender les prérogatives du Président de la République.