Le secteur du ciment tunisien représente une industrie stratégique pour les secteurs du bâtiment et de l’infrastructure. Avec 9 usines, dont une pour le ciment blanc, réparties sur tout le territoire tunisien, le secteur dispose d’une capacité de production de 12,5 millions de tonnes de ciment par an et capitalise 3500 emplois directs et plus de 20.000 emplois indirects.
En signant sa première charte volontaire en 2007, le secteur a marqué sa volonté d’inscrire le développement durable dans ses priorités. Ainsi, malgré son profil énergivore, les indicateurs énergétiques du secteur sont maîtrisés et restent dans la fourchette des benchmarks européens. Depuis 2007, les cimenteries tunisiennes ont consacré plus de 100 millions d’euros aux investissements matériels et immatériels visant : ( la diversification des sources d’énergie autorisées par l’Etat, l’amélioration des systèmes de dépoussiérage, le remplacement des électrofiltres par les filtres à manche et (IV) la certification de leur système de management environnemental ISO 14000, OHSAS 18001 et la mise en conformité des produits par rapport aux normes reconnues à l’échelle internationale (AFNOR, AENOR, marquage CE).
En 2012, avec l’appui de l’ANME et la GIZ, le secteur cimentier tunisien a entamé une réflexion et des concertations approfondies destinées à soutenir la réalisation des objectifs d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre inscrits dans la Contribution Nationale de la Tunisie à la lutte contre les changements climatiques – CDN. Ces concertations ont débouché sur l’élaboration d’un plan d’action susceptible de contribuer à hauteur de 15% des objectifs nationaux d’atténuation inscrits dans la CDN, et d’éviter à l’horizon 2030 l’équivalent de 350 millions de dinars d’importations énergétiques annuelles.
A l’occasion de la conférence du 16 avril 2019 organisée par le secteur cimentier, les opérateurs du secteur réitèrent leur engagement irréversible en faveur du développement durable et leur soutien à l’économie circulaire, en signant une nouvelle charte encore plus ambitieuse.
Le plan de développement national 2016-2020 vise à atteindre un taux de valorisation des déchets de 50% à l’horizon 2020. Les cahiers des charges des concessions de décharges contrôlées ont été mis à jour pour intégrer cet objectif, en responsabilisant les concessionnaires dans la valorisation des déchets. Toutefois, les modèles économiques, les formes et modalités techniques de valorisation des déchets, les rôles respectifs des acteurs, et les cibles des déchets valorisés ne sont pas encore clairs. De même, il n’y a pas encore de réelle visibilité sur les intentions des autorités publiques en ce qui concerne l’éventuel recyclage/valorisation des déchets industriels (banals ou dangereux) et leur issue finale.
L’utilisation des combustibles alternatifs par les fours à ciment, couramment désignée par co-processing, représente une solution écologique, locale et pérenne pour la valorisation de très nombreux déchets. Reconnue comme l’une des «Meilleures Techniques Disponibles» de valorisation des déchets ultimes après un processus de traitement et de transformation des déchets, le co-processing en cimenterie a fait ses preuves depuis plus de vingt ans en Europe. Aujourd’hui, plus de 40% de l’énergie thermique utilisée par les cimentiers européennes provient du co-processing. Cette proportion dépasse même les 60% dans les pays les plus avancés dans ce type de valorisation comme la Belgique ou l’Allemagne.
Selon les études récentes réalisées en partenariat entre la GIZ, l’ANME et les opérateurs cimentiers tunisiens, en rythme de croisière, 40% des déchets habituellement accueillis par les décharges pourraient être valorisés sous forme de combustibles pour les seuls besoins des cimentiers, représentant plus de 3 millions de tonnes de déchets ménagers à l’horizon 2030. Le secteur cimentier peut donc fortement contribuer à la concrétisation des objectifs tunisiens de valorisation des déchets. Le développement du co-processing induira, par ailleurs, une augmentation de la durée de vie des décharges par un facteur 2,5. Par la même occasion, ceci permettrait à l’Etat d’économiser plus de 90 millions de dinars/an de dépenses d’investissement et d’exploitation des décharges.
La Tunisie enregistre depuis le début des années 2000 un déficit croissant de sa balance énergétique, induisant une amplification de sa dépendance énergétique, doublé d’un alourdissement du déficit de la balance des paiements.
Moyennant un engagement résolu du secteur, les combustibles alternatifs pourraient représenter plus de 30% du mix thermique du secteur cimentier à l’horizon 2030, totalisant environ 450.000 tonnes équivalents pétrole, représentant – à la valeur actuelle du pet coke- l’équivalent de 200 millions de dinars en devises économisées et autant en bienfaits pour la balance énergétique et celle des paiements.
Grâce à son plan d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, et en particulier l’utilisation des combustibles alternatifs, le secteur cimentier baisserait significativement ses coûts de production. Outre le maintien des bas niveaux des prix du ciment au bénéfice des secteurs du bâtiment et de l’infrastructure tunisiens, l’amélioration de la compétitivité du secteur ouvrirait de nouveaux horizons à l’exportation, pouvant se chiffrer à l’équivalent de 400 millions de dinars d’entrées en devises par an. Cette hausse des exportations générerait la création d’environ 1000 emplois directs et 8000 emplois indirects.