» Dr Etoa pourquoi toute cette semaine, tu nous a posé des questions médicales embarrassantes ? N’est ce pas c’est à vous-mêmes les médecins de trouver des réponses ? » m’a demandé un ami.
Je profite de ce cette occasion pour dire à cet ami et à d’autres qui sont tentés de poser la même question que je n’avais même pas encore fini de vous emmerder avec mes questions bizarres.
Celles que je m’appretais à vous poser étaient les suivantes :
– Doit-on déjà autoriser la possibilité d’adoption d’enfants aux femmes célibataires non stériles?
– Faut-il déjà dépénaliser l’homosexualité même si on est pour ou contre cette pratique sexuelle?
– Doit-on transfuser un malade de force pour lui sauver la vie, même si cela va à l’encontre de ses convictions (religieuses par exemple )?
– Si les greffes d’organes deviennent possibles au Cameroun, chaque individu aura t-il la possibilité d’acquérir ou de vendre un de ses organes en fonction de ses capacités ou problèmes financiers?
– Un couple stérile peut-il recourir à une mère porteuse pour avoir un enfant?
– Si un mari est gravement malade et ses jours comptés, sa femme peut-elle conserver (congeler) son sperme à l’hôpital pour se faire inséminer même après sa mort et perpétuer sa lignée ?
– Doit-on laisser la possibilité à chaque parent qui a recours à le fécondation in vitro de choisir le sexe de son enfant et les autres caractéristiques morphologiques (Race, tein, taille, couleur des yeux et de cheveux, etc.. ?)
– Etc…
Toutes ces questions et bien d’autres ont trait à ce qu’on appele la « BIOÉTHIQUE ». Et comme on peut le constater avec tous les débats de cette semaine, la bioéthique, n’est pas qu’une simple préoccupation médicale qui est au COEUR même du citoyen!
De la conception à la mort, des tests génétiques à la médecine prédictive, de la priorisation de certaines catégories d’individus dans les décisions médicales au don d’organes… Des normes sociales aux coutumes africaines en rapport avec la santé, Chaque camerounais est concerné. On a bien constaté toute semaine autour des débats qu’acune problématique ne faisait l’unanimité. Les individus sont partagés entre la solution scientifique et la nécessité sociale ou personnelle.
Tout ce qui est scientifiquement possible est-il souhaitable? La médecine doit-elle répondre à toutes les demandes sociales ? Faut-il poser des limites pour éviter les risques et les dérives des technologies médicales?
Le monde change en permanence. La science progresse à une vitesse vertigineuse et des horizons infinis s’ouvrent à nous. L’humanité en général et la société camerounaise va t-elle suivre cette cadence infernale ? Oui, à condition du poser des balises que sont des LOIS BIOÉTHIQUES.
Les lois bioéthiques encadrent l’application des recherches scientifiques sur l’humain. Elles exigent humilité et recherche permanente du Bien Commun pour veiller à ce que la science et les changements sociétaux servent toujours l’humanité. C’est notre immense responsabilité vis-à-vis des générations futures.
Ces lois peuvent faciliter la vie, mais, si nous n’y prenons garde, elles risquent de nous embarquer sur des chemins où l’humanité ou la société africaine perdrait son âme. Ces lois devraient être l’occasion d’aller vers une plus grande humanité, un plus grand respect des personnes pour que l’être humain soit considéré non comme un moyen mais comme une fin en soi. Les citoyens plus que le corps médical doivent donc s’emparer de cette problématique et en faire une priorité nationale !
Au fait quand j’y pense même après tout ce bavardage, je me rappelle que le Cameroun ne dispose pas encore ni d’une loi, ni d’un code de BIOÉTHIQUE.
Et si c’était le moment d’en rédiger une?
Roger Etoa, Médecin de Santé publique